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"Philémon" de Fred

Fred Philémon manu-manu
Fred Océan Atlantique carte

Etrange! ... dit l'ange

Etrâne! ... dit l'âne

                    J. Prévert

Beryl Dey Hemm les batis fols écrits fabulles

 

 

C'était un pays...

 

C'était un pays où les gens parlaient, parlaient, parlaient.

Et le souffle sortait de leur bouche,

sortait, sortait, sortait de plus en plus vite ...

Et ça finit ce souffle par faire du vent,

du vent

du vent de plus en plus violent ...

qui finit par devenir tempête,

une tempête de mots pareille à une tempête de grêlons

car tous ces mots qui se choquaient et s'entrechoquaient

faisaient beaucoup de bruit, beaucoup, beaucoup,

autant de bruit que le tonnerre,

terrible, terrifiant, assourdissant.

Et au plus il y avait du bruit

et au plus les gens parlaient fort,

de plus en plus fort,

pour se faire entendre

et de plus en plus de souffle sortait de leur bouche

et ça faisait de plus en plus de vent

et ça faisait de plus en plus de bruit

et au plus ils parlaient vite

et au plus ils faisaient d'efforts

et au plus ils devenaient rouges de faire tant d'efforts

et au plus ils s'échauffaient
et au plus ça chauffait l'air sur la Terre

de plus en plus, de plus en plus.
Et les mots se choquaient

et le bruit grandissait

et le vent sifflait

et l'air chauffait

chauffait toujours plus. 

Et au plus le souffle s'échappait du corps des gens

et au plus les gens se dégonflaient. 

A vue d’œil ils se dégonflaient

Et ils se dégonflèrent tellement

qu'ils moururent

tous.

 

Et le bruit assourdissant,

et la chaleur terrible,

et le vent violent

durèrent encore un moment

puis finirent enfin par s'apaiser.

 

Mais il n'y avait plus d'oiseaux

plus un arbre

plus de maison

plus rien. .....

 

Plus tard, beaucoup plus tard,

d'autres gens qui parlaient beaucoup

eux aussi

voulurent absolument trouver une "explication logique"

c'est à dire dont on pouvait parler
à ce phénomène

et c'est comme ça que pour couper court à toute discussion

et faute d'imagination

ces gens inventèrent la légende de la bombe atomique.

Et ils firent bien,

car la légende,  elle, survécut ...

C'était un pays

Usée!*

 

Elle n'en pouvait plus.
Monter, descendre, monter, descendre.
Toujours et encore !
Sa vie se résumait en va-et-vient incessant. Elle commençait à prendre de l’âge, et comme toutes les personnes âgées, à geindre fréquemment:
"Pouvez-vous imaginer une vie entière ainsi? A la merci d'une demande capricieuse, tous les voyages n'étant faits dans un sens que pour être refaits, peu de temps après en général, dans le sens opposé. Alors à quoi bon, je vous le demande? Et dans quel but ces déplacements? Et priée d'aller le plus vite possible, en plus!

Que d'agitation inutile! Un ordre bref et me voilà repartie! Au 1er étage! Au 10ème étage! Au sous-sol! A l'entresol! Ah! 5ème à présent! On me prend pour un yoyo! Aucun remerciement! Aucun bonjour ni au-revoir! C'est tout naturel! Je suis là pour ça! Le même rythme, égal et performant, pour monter comme pour descendre! L'attente réduite au minimum pour le commanditaire, entre chaque commission! Aucune considération! On ne me regarde même pas! et aucun bénéfice pour moi à cette activité fiévreuse!: Je ne perds même pas de poids dans ces aller-retours! Au contraire! J'en récupère à chaque arrêt!! Pour le perdre peu de temps après, soit! Mais tout de même! Heureusement que j'ai fixé une limite à ma charge pondérale! Sans quoi! On en rajouterait sans état d’âme!

Pourtant, parfois, je suis bien lourde, il m'arrive même de ralentir un peu et de souffler à la montée, mais un arrêt pour me reposer entre deux voyages ne m'est pas permis! Je verrais aussitôt débarquer un sauvage de technicien, armé de tournevis et de pinces, qui s'en prendrait sans remord à ma vieille mécanique!!

Alors je ne me plains pas, je ronge mon frein, mais je sais que quand viendra l'heure de mise au rebut, moi! la cage d'ascenseur! je préfèrerais me laisser tomber du 10ème étage et m'écraser au rez de chaussée plutôt qu'être mise à la retraite!!!

Usée !

La clé * 

 

Elle était née avec une toute petite clé dans la main. Personne ne savait à quoi elle pouvait servir. Alors on s'interrogeait, qu'est-ce que cela voulait dire ? Bon, on avait bien une petite idée, quand même, puisque le père, mécanicien, maniait toute la journée des clés à molettes. Quant à sa mère psychanalyste, elle venait de terminer l'écriture d' un énorme volume sur l'interprétation des rêves, au titre évocateur : « la clé des songes ». Mais aucune loi de l'hérédité ne permettait pour autant de prévoir cette singularité de naissance.

La fillette développa très rapidement des capacités particulières. Elle ne pouvait pas voir une porte fermée sans l'ouvrir avec sa petite clé, en fait un passe-partout.  Et des disputes fréquentes éclataient avec les voisins qui ne pouvaient plus vivre librement chez eux, toujours à la merci d'une intrusion. 

Mais elle manifesta aussi très vite un goût pour tous les systèmes cryptés, montrant des capacités en mathématiques et en informatique hors normes. Aucune clé secrète, si bien codée soit-elle, ne lui résistait, au point que, parvenue au terme de ses études, elle trouva tout naturellement une place dans un des services secrets de l' Etat.

 Cependant, notre jeune fille devenait femme, et, traditionaliste sur ce point, se mit à rêver mariage et enfants. Aussi, quand elle fit la connaissance d'un homme d'un certain age, mais présentant bien, elle sortit plusieurs fois avec lui dans des endroits chics, puis se laissa persuader de lier son existence à la sienne. Bientôt ils se fiancèrent et quand le prétendant, qui connaissait les goûts de sa belle, lui offrit en gage d'amour, un énorme trousseau de clés, elle se sentit fondre. C'était une merveille que ce trousseau : des clés de toutes formes,de toutes dimensions, certaines en métaux précieux, en argent, et même une en or ! Et, lui disait-il ,chacune ouvrait une pièce particulière de l'immense château dont il la ferait la reine !

Alors, conquise, la demoiselle lui sauta au cou, et caressa avec amour la longue barbe soyeuse et bleue qui ornait son visage...

La clé

Petit Poucet

 

Le Petit Poucet a semé … le Père Noël.
Mais qu’a à faire un Petit Poucet d’un Père Noël ?
Pourtant … S’il avait sa hotte pour transporter ses cailloux...

Mais qu’a à faire un Petit Poucet d’un panier percé ?
Petit Poucet sème des cailloux
Père Noël sème des joujoux
Aucun rapport !
Sauf peut-être que caillou et joujou au pluriel prennent un X
Mais encore faut-il avoir beaucoup de joujoux et beaucoup de
cailloux !
Pour avoir beaucoup de joujoux rien de plus simple :
Il suffit d’être très riche et les sous se multiplient tout seuls.
Mais pour avoir beaucoup de cailloux, c’est beaucoup plus
compliqué ! :
Il faut casser un tas de gros cailloux pour en avoir plein de
petits !
C’est à ça que servent les travaux forcés !

-- pour les pauvres bien sûr ! –
à casser des gros cailloux
pour faire plein de petits cailloux
pour que Petit Poucet puisse les semer
pour guider le Père Noël
vers les maisons des pauvres
-- car Petit Poucet est pauvre –
pour que Père Noël leur donne tous ses joujoux !
Et quand enfin Père Noël n’aura plus de joujoux
et quand Petit Poucet n’aura plus de cailloux
alors de nouveau
il sèmera le Père Noël
jusqu’à l’année prochaine !

Petit Poucet

Le caméléon

 

 

Un caméléon craignait de rencontrer son sosie. Mais, où qu'il aille, il se retrouvait toujours face à sa copie conforme.

Agacé par cette fatalité, il décida de s'adresser à la clinique de chirurgie esthétique la plus proche.

Cependant, après de longues discussions avec le chirurgien, il se rendit à l'évidence: les solutions proposées n'aboutissaient qu'à un faciès d'une vulgarité repoussante.
De plus, le chirurgien étant lui-même un caméléon, il n'y avait nul besoin d'un miroir pour visualiser le résultat, puisque l'aspect du praticien se modifiait en fonction des propositions.

Fatigué et déçu, notre caméléon renonça, et partit en claquant la porte. Il désespérait de jamais trouver une solution à son problème. Mais en bon philosophe, il réfléchit qu' il lui suffisait de se métamorphoser chaque fois qu'il rencontrait un de ses congénères, pour ne pas lui ressembler. Après tout, sa nature le lui permettait.

Ce qu'il entreprit de faire.

Et donc, chaque fois qu'il rencontrait un autre caméléon, il changeait d'aspect. Ce que l'autre, pensant faire preuve de sociabilité, s'empressait de copier, se faisant copie exacte de son interlocuteur.

Jeu sans fin, qui ne s'arrêta que lorsque notre héros, à bout de nerfs, décida de s'entourer tout le corps de bandelettes, pour devenir « le caméléon invisible » et enfin, enfin, ne plus être anonyme !

Le caméléon

fables

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